Dernière mise à jour :

01/11/
2012








SOUVENIRS NOCTURNES DE DEUX EPOUX DU 17 EME SIECLE

(Air : Premier mois de mes amours)

Il avait plu toute la journée, et n’ayant pu aller, le soir, faire leur partie de loto chez madame Coquet, sage-femme, rue des Martyrs, monsieur et madame Denis s’étaient couchés de bonne heure .

Au bout de vingt-trois minutes, Madame Denis, qui ne dormait pas, impatiente du silence obstiné de son mari, qui n’avait pas cessé de lui tourner le dos, soupira trois fois et pris la parole :


Mad. Denis

Quoi ! vous ne me dites rien !
Mon ami, ce n’est pas bien.
Jadis c’était différent…
    Souvenez-vous en (bis)
J’étais sourde à vos discours,
Et vous me parliez toujours

M. Denis, se retournant
Mais m’amour, j’ai sur le corps
Cinquante ans de plus qu’alors..
Car c’était en mil sept cent,
    Souvenez-vous en (bis)
An premier de mes amours,
Que ne duriez-vous toujours !

Mad. Denis, se ravisant
C’est de vous qu’en sept cent un
Une anguille de Melun
M’arriva si galamment
    Souvenez-vous en (bis)
Avec des pruneaux de Tours,
Que je crois manger toujours.

M. Denis
En mil sept cent deux, mon cœur
Vous déclara son ardeur,
J’étais un petit volcan
    Souvenez-vous en (bis)
Feu des premières amours,
Que ne brûlez-vous toujours

Mad. Denis
On nous maria, je crois,
A Saint-Germain-l’Auxerois.
J’étais mise en satin blanc…
    Souvenez-vous en (bis)
Du plaisir, charmants atouts,
Je vous conserve toujours.

M. Denis se mettant sur son séant
Comme j’étais étoffé

Mad. Denis s’asseyant de même.
Comme vous étiez coiffé

M. Denis
Habit jaune en bouracan,
    Souvenez-vous en (bis)

Mad. Denis.
Et culotte de velours
Que je regrette toujours.
Comme en dansant le menuet,
Vous tendîtes le jarret !
Ah ! vous alliez joliment,
    Souvenez-vous en (bis)
Aujourd’hui nous sommes lourds.


M. Denis
On ne danse pas toujours.
S’animant
Comme votre joli sein s’agitait sous le satin !
Il était mieux qu’à présent,
    Souvenez-vous en (bis)
Belles formes, doux contours,
Que ne durez-vous toujours.


Mad. Denis

La nuit, pour ne pas rougir,
Je fis semblant de dormir.
Vous me pinciez doucement,
    Souvenez-vous en (bis)
Mais à présent nuits et jours,
C’est moi qui pince toujours.

M. Denis, lui offrant une prise de tabac.
Demain, songez, s’il vous plait 
A me donner mon bouquet.

Mad. Denis, tenant la prise de tabac sous le nez
Quoi ! c’est demain la Saint-Jean !

M. Denis, rentrant dans le lit
    Souvenez-vous en (bis)
Epoque où j’ai des retours
Qui me surprennent toujours

Mad. Denis, se recouchant.
Oui, jolis retours ma foi,
Votre éloquence avec moi
Eclate une fois par an ;
    Souvenez-vous en (bis)
Encore votre beau discours
Ne finit-il pas toujours.



Ici M. Denis a une réminiscence ....



Mad. Denis minaudant

Que faites-vous donc, mon cœur,

M. Denis
Rien… je me pique d’honneur.

Mad. Denis
Quel baiser !.. il est brûlant…

M. Denis, toussant.
    Souvenez-vous en (bis)

Mad. Denis, ajustant sa cornette.
Tendre objet de mes amours,
Pique-toi d’honneur toujours.



Ici le couple bâilla, s’étendit et sommeillla…
L’un marmottait en ronflant : Souvenez-vous en (bis)
L’autre : « Objet de mes amours, pique-toi d’honneur toujours. »



Monsieur et Madame Denis, ou La veille de La Saint-Jean

Tableau conjugal en un acte et en vaudevilles par MM. Desaugiers et De Rougement

Théâtre des Variétés, le 23 juin 1808


Chanson des époux Denis